Blondel/Poli/Recht/Bastide: Elric 1 - le trône de Rubis

Mon avis: " Sublimement gothique et décadent "

(c) Glénat
(c) Glénat

DL: 05/2013

Ai: 04/2013

( Glénat )

Elric par Moorcock

Pourquoi Elric est une des meilleures séries d'héroïc fantasy de tous les temps... comprendre cela, c'est sans doute comprendre pourquoi il a été si difficile de l'adapter en bande dessinée.

Récapitulons. Plus peut-être que bon nombre d'autres genres, la HF répond à certaines règles. Je n'entrerais pas ici dans un débat de spécialistes pour faire valoir s'il s'agit ici de dark fantasy ( ce qui est sans doute le cas ) mon but est de montrer la révolution apportée par la création de Moorcock.

Si Tolkien n'est pas stricto sensu l'inventeur de l'heroïc-fantasy (*), il est assurément celui qui a codifié le genre en même  temps qu'il lui donnait ses lettres de noblesse. Et dans cet héritage tolkienien, une caractéristique s'impose: le manichéisme. Si les bons peuvent malgré tout avoir quelques travers occasionnels, lâcheté ou vénalité, les méchants sont l'incarnation du mal absolu. 

Avec Elric, il en va autrement.

1. L'empereur de Melniboné ne sert pas le bien ( la Loi dans l'univers moorcockien ) mais le Chaos. Il appartient à un peuple cruel qui domine sans contexte le monde de l'époque, s'imposant par la force. "Le plus fier, le plus impitoyable et le plus décadent de l'histoire de ces jeunes  royaumes"

2. Puissant certes, et sa puissance va croître au fil du temps, Elric n'en est pas moins affaibli par la maladie: le sang maudit. L'on taillade des vierges jusqu'à la mort pour lui redonner sa vitalité par l'offrande de leur sang ( rien que ça! si si!) Elric est un albinos à la pâleur terrifiante, et qui doit se gaver de drogues et potions pour survivre - on n'a pas toujours quelques litres de sans de vierge fraichement égorgée à disposition - ou, autre alternative, de l'âme de ceux qui périssent de son épée. Mais cela les lecteurs de la seule BD ne le savent pas encore, je n'extrapole donc pas plus.

PLus intelligent et cultivé qu'un Conan ( et à fortiori un Tarzan ) Elric n'en a pas l'épaisseur physique ou la prestance. A qui va sa loyauté? Au peuple sanguinaire qu'il dirige? 

Outre l'univers fécond qu'a créé Moorcock ( son multivers permet de relier la plupart de ses écrits, et même de confondre parfois ses héros le splus marquants, incarnation d'un seul Chamion éternel ) la personnalité et les traits d'Elric renouvelaient donc, au début des années 60, un genre pourtant encore jeune.

Je n'étais pas né quand les premières nouvelles mettant en scène Elric furent publiées, mais quand je découvris Moorcock, il ne tarda pas à devenir un auteur au firmament du genre, Elric étant au firmament des héros de Moorcock

Il était logique que la BD s'emparât d'Elric. 

 

(*) Discussion non tranchée: certains avancent le nom de Robert E  Howard, le créateur de Conan en 1932, alors que d'autres remontent au père de Tarzan, Edgar Rice Burroughs  en 1912

Cymoril par Didier Poli - Dédicace personnelle
Cymoril par Didier Poli - Dédicace personnelle

Elric en BD

Moorcock relate d'ailleiurs qu'Elric fut dessiné avant même d'être publié. Et de citer ensuite les prestigieux dessinateurs qui se sont lancés dans l'aventure: Mignola, Miller seuls auteurs de comics que je connaisse ( parmi une dizaine qu'il cite ) Druillet.

J'ai eu dans les années 80-90, époque à laquelle je lisais Elric, quelques unes de ces adaptations entre les mains: aucune ne m'a laissé un souvenir impérissable. (Mais Druillet n'était pas du lot, je m'en souviendrais, je découvrais Lone sloane à l'époque )

Et, à l'annoonce de cet enième opus, mon premier réflexe fut donc de boycotter d'emblée l'ouvrage. Redite inutile, crime de lèse-majesté, déception probable d'autant que l'intrigue m'était connue. le fait que le maître lui-même ait adoubé la version ne me rassurait pas. S'il avait donné son aval, Moorcock n'allait pas cracher sur le dernier-né, et cela sentait la promotion commerciale. 

J'ai été décidé par la présence de Didier Poli à la librairie Isler BD à Metz ( j'ai un compte chez eux, mais pas d'actions, qu'on se le dise! Je parle d'eux parce qu'ils sont sympathiques et dynamiques ) bref par une opération de promotion commerciale. C'est donc en faisant la queue que j'ai découvert les premières pages, lu l'avant-propos de Moorcock, parcouru le dossier. 

Un choc!

Dans le bon sens du terme.

"Cette adaptation d'Elric est peut-être la première  à pleinement saisir la notion d'absolue décédence que j'ai cherché à dépeindre" écrit le créateuir d'Elric. 

Le trait un peu rond - ce que j'ai pu la lire cette expression - de Didier Poli, assez loiselien pour tout dire, a évolué. Robin Recht se charge de l'encrage, avant que Jean bastide n'apporte d'éventuelles retouches avant le coloriage. Loisel justement, avec TRipp, avait créé un dessinateur à quatre mains dans magasin général. On passe à six, ici, et avec bonheur. On est dans un style qui n'est pas sans rappeler celui de Laufray, mais en plus tourmenté et crépusculaire.

C'est majestueux et beau.

Le scénario rend Elric abordable pour tous. IL est fidèle, à quelques variations près, le rôle de Cymoril, notamment, mais ont été approuvées par Moorcock himself, qui considère qu'elle améliorent l'histoire originale.

Que dire de plus? 

Quatre tomes au total sont annoncés au quatrième plat. Didier Poli m'a confié que leur ambition était une production annuelle. J'ose espérer que le succès qui a accueilli le Trône de rubis - lecteurs et critiques sont unanimes, ce qui ne va pas de soi - ne va pas leur faire revoir la programmation à la hausse.

 

 

( par Le Bédéphile déchaîné )

Mes propos n'engagent que moi, peuvent être repris, même en intégralité. Je dis juste ça parce que ça me fait marrer ceux qui précisent toujours des trucs du genre "cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation." 

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